[Recherche]À toi qui partages son sang...

Cela faisait déjà des jours qu'elle remettait à plus tard cette expédition. Peu familière avec le pensionnat, peu familière avec ce monde en général, elle avait choisi d'attendre d'être plus à l'aise avant de partir en territoires inconnus et de se lancer dans une mission de recherche pour laquelle elle était d'ailleurs... en avance. Elle n'avait pas prévu partir tout de suite, occupée par les cours et la découverte d'un monde totalement nouveau - pourquoi avaient-ils des appareils capables de faire la lessive et même de la sécher, mais pas de téléporteurs? -, mais le problème s'était rappelé à sa mémoire et elle avec lui l'envie de relire la lettre envoyée par celui qui se nommait «Inconnu».

Elle avait tiqué au mot «jumeau». Vraiment tiqué. Elle ne connaissait pas tellement la jeune Sumeragi, elle ne connaissait pas son frère non plus, mais elle était une soeur et c'est là qu'elle s'était demandé ce qu'elle aurait fait si jamais on lui avait pris son frère pour un motif inconnu et qu'on le menaçait. La culpabilité avait déferlée, vague glaciale au parfum d'amertume, vent sauvage à saveur de froide réalité. Elle était partie, véritablement consciente de la situation cette fois, pour réaliser avec horreur ce que la jumelle de Subaru avait probablement compris depuis longtemps : personne ne cherchait. Cela faisait longtemps, beaucoup trop, et s'il y avait eu quelques remous au début de l'affaire, ceux-ci s'étaient estompés avec le temps, comme s'il était revenu de lui-même après un séjour de quelques jours. Sauf qu'il n'était pas revenu. Et que les pensionnaires avaient cessé de chercher.

Dégoûtée par sa propre négligence, la jeune fille avait préféré sécher le cours pour pouvoir se concentrer davantage. Après tout, l'enlèvement était un motif bien suffisant dans son monde pour manquer quelques notions et si ici ça ne l'était pas, alors elle préférait encore retourner là d'où elle venait. Au début, elle ne savait pas trop où concentrer ses recherches. Puis, au fil de ses promenades dans les couloirs, elle avait fini par entendre parler d'un étage interdit. L'étage au grand complet était inaccessible. N'était-ce pas un bon endroit où mettre quelque chose qui ne devait pas être trouvé?

Il était presque dix heures. Presque dix heures. Les déjeunes avaient été pris, les cours étaient commencés. Le soleil était déjà haut dans le ciel.
C'est seulement là que Akuma reprit ses esprits. Qu'elle put reprendre le contrôle d'elle-même. Quelques quatre heures plus tard qu'à l'habitude.

Elle fut d'abord surprise par la lumière qui éclairait les alentours. Où étaient les doux rayons rosés du matin? Ensuite, elle remarqua qu'elle tremblait. Son corps était secoué de convulsions incontrôlables, son estomac se retourna et elle en vida son contenu dans un buisson. Le contenu était rouge sombre. Pourtant, ce qui perturba Akuma, ce fut que même en y réfléchissant, elle était incapable de se souvenir que ce qu'elle avait fait cette nuit là. Sa transformation n'était pas sensé affecter sa mémoire. Cette fois, c'était comme si une autre personne avait pris possession de son corps, de son esprit.

Cette pensée alarma la jeune fille qui se leva et fila en direction du pensionnat. Elle qui avait toujours souhaité oublier les meurtres qu'elle commettait, la voilà hantée par la peur. Qu'avait-elle fait? Était-elle allée à l'intérieur du domaine d'Aqualand? Ne pas le savoir était insupportable. Presque autant que de ne pas savoir l'heure exacte. Akuma prit sa forme féline et s'élança gracieusement vers cette école le plus rapidement possible. Les habitants du village regardèrent le félin avec curiosité alors qu'elle ignorait tout sauf son but: savoir si elle avait fait du mal à des étudiants.

En a peine dix minutes, l'animal franchit les portes de la grande salle. Elle redevint humaine à la minute près et jeta un coup d'oeil à la grande horloge fixée au mur. 10h03. Elle manqua de s'évanouir. Que se passait-il? Sa partie démoniaque prenait-elle le contrôle d'elle? Au même moment, un étudiant passa près d'elle, confirmant qu'elle se tuerait pour éviter qu'elle tue l'un d'eux. Sa vraie famille.

Elle avait besoin d'elle seule. Elle courrait dans les couloirs et montaient des escaliers en espérant trouver une salle, une pièce vide. Elle se serait contenter d'un placard à balais et voilà qu'elle trouvait un étage déserté. Son cœur se crispa et elle s’effondra au sol, en larme et paniquée. Qu'allait-elle devenir si son pouvoir prenait possession de sa personne?

Une heure minimum passa, elle resta là, vidant son corps de ses larmes et cherchant de l'espoir. Juste au moment où elle se calma, elle vit une étudiante au bout d'un couloir. Elle se releva et marcha vers elle en essayant de cacher ses yeux rouges et ses joues humides.

"L'étage est interdit tu sais?"

Lui lança-t-elle juste avant qu'elle ne comprenne la stupidité de sa phrase. Si cette étudiante devait partir, elle aussi...

Rita sursauta alors que, occupée à scruter les murs de l'étage pour évaluer le danger qu'elle courait par rapport à des pièges potentiels, elle n'avait pas remarqué l'étudiante effondrée sur le plancher. Décidément, elle n'était pas très douée pour l'observation; si elle voulait vivre, mieux valait qu'elle ne continue pas dans cette voie. À sa réplique, la jeune Sylvaranti haussa un sourcil, puis détailla l'autre du regard. Peut-être lui disait-elle que l'étage était interdit parce qu'elle en était la gardienne et n'hésiterait pas à la chasser de cette partie de la bâtisse. Pourtant, elle avait l'air plutôt inoffensive... et triste.

À ce moment, la magicienne marqua une pause dans sa réflexion et son observation se concentra sur les yeux gonflés et la peau luisante de son interlocutrice. De toute évidence, elle avait pleuré pendant longtemps et n'avait arrêté que depuis peu. Pouvait-elle avoir vu quelque chose susceptible de provoquer cette réaction?

"Je cherche quelqu'un susceptible d'être là, justement..."

Répondit-elle en s'approchant doucement avant de s'accroupir près de l'autre élève.

"Que t'est-il arrivé?"

Quelqu'un? Akuma se remémora cette recherche que certains élèves avaient entrepris afin de retrouver l'un des leurs: un certain Subaru Sumeragi. Elle même avait été bouleversée par sa disparition et avait même songe sérieusement à partir à sa recherche. Néanmoins, elle avait préféré ne pas trop s'investir, de peur de le retrouver au coucher du soleil et de le perdre à tout jamais. Elle était toutefois rassurée de savoir que des gens le cherchaient véritablement, qu'ils faisaient un effort.

Akuma esquissa un petit sourire, puis celui-ci disparu aussitôt qu'elle entendit la question de son interlocutrice. Elle avait oublié son problème une seconde, elle replongea dans ce lac glacé et seul son orgueil l'empêcha de fondre en larme une seconde fois. Elle résista à cet élan de panique qu'elle sentait venir et se racla la gorge avant de répondre d'une voix un peu trop faible pour être crédible.

«Rien de très important...»

Le dernier mot sonnait faux, elle s'en rendit compte. Pour se rattraper, elle se leva un brin trop rapidement et regarda les alentours.

«Tu cherches le garçon disparu?»

Demanda-t-elle en faisant semblant de s'intéresser à un couloir pour éviter de regarder en direction de la jeune fille. Elle en profita aussi pour ravaler quelques larmes et se reprendre en main. Elle repenserait à son problème s'il se répète.

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